Bohio Ayiti

Non classéExposition « Haïti – L’âme d’un pays » – Musée Wall House – Saint-Barthelémy

Exposition « Haïti – L’âme d’un pays » – Musée Wall House – Saint-Barthelémy

Haïti à Saint-Barth

Avec l’exposition « Haïti – L’âme d’un pays » à Saint-Barthélemy, le musée du Wall House, l’association Bohio Ayiti et la Galerie Monnin s’associent pour faire mieux connaître un pays exceptionnel pour son histoire, ses paysages et sa culture, Haïti.  

Il s’agit de dévoiler la beauté du pays, de rappeler l’histoire fabuleuse du lieu de la première rencontre des deux mondes et de la première République noire de la planète, de montrer les beautés de sa nature et de son patrimoine, de promouvoir ses arts d’une extraordinaire créativité, de montrer la culture d’un peuple et d’un pays uniques.

Réaliser une telle exposition sur Haïti dans la magnifique île de Saint-Barthélemy, au cœur de la mer des Caraïbes, c’est aussi montrer l’unité et l’histoire commune de l’archipel des Antilles, et rappeler les liens qui rassemblent ces terres maritimes à la croisée des mondes américains, européens et africains.

1/ Les premiers haïtiens

Les premières traces d’un peuplement de Haïti et des Grandes Antilles remontent à 4 ou 5000 ans avant notre ère avec la présence de petites communautés amérindiennes de pêcheurs-cueilleurs.

Au cours du premier millénaire après JC, originaires du Venezuela, de nouvelles sociétés pratiquant l’agriculture (manioc, maïs…) et maitrisant la technique céramique se développent dans tout l’archipel antillais, de Trinidad à l’est de Cuba et aux Bahamas. Entre le 12e et le 15e siècle s’épanouissent ensuite les chefferies ou cacicats Taïnos présentaient une organisation socio-politique complexe. La société était divisée en classes : l’aristocratie des Nitaïnos et le groupe laborieux des Naborias. Les chefs de villages, les caciques, détenaient l’autorité politique tandis que les chamanes jouaient le rôle de prêtre et guérisseur. Dans la grande île d’Ayiti (aujourd’hui partagée entre Haïti et la République Dominicaine), cinq caciques suprêmes détenaient l’autorité sur cinq grandes provinces indépendantes: Caonabo et son épouse Anacaona, Bohechio, Guarionex, Catacoa et Guacanagarix.

2/ La conquête espagnole

Le 12 octobre 1492, Christophe Colomb et ses caravelles arrivent aux Bahamas. Poursuivant son voyage exploratoire, l’amiral longe la côte nord de Cuba puis, le 6 décembre 1492, arrive en vue d’une grande île qu’il baptise Hispaniola (la petite Espagne), mais que les habitants autochtones, dénomment dans leur langue « Ayiti» qui signifie « terre des hautes montagnes ». Près de l’actuel Cap-Haïtien, les Espagnols sont reçus par le cacique Guacanagarix. Croyant être arrivé en Asie, aux « Indes », Colomb  désigne les Taïnos sous le nom d’indiens.

Passé les premiers contacts amicaux entre Taïnos et Espagnols, le processus colonial de conquête de ce nouveau monde se met ensuite brutalement en place. S’ensuivent la prise de possession de l’ile d’Hispaniola par les armes au prix de grands massacres, la quête incessante d’or, l’asservissement des Amérindiens et leur travail forcé dans les champs et dans les mines.

La population native est décimée par les représailles aux révoltes, les mauvais traitements, la réduction en esclavage et, surtout, les maladies infectieuses contre lesquelles les Taïnos ne sont pas immunisés. En un demi-siècle, le peuple taïno est anéanti. Pour suppléer la main-d’œuvre amérindienne, l’acheminement des premiers esclaves d’Afrique se met alors en place.

3/ L’implantation des Français

Dès le 16e siècle, corsaires et pirates français ou anglais sillonnent la mer des Caraïbes pour s’emparer des galions espagnols chargés d’or et d’argent venant du Mexique et du Pérou. Dans la partie occidentale de l’île d’Hispaniola, les Français s’installent progressivement éliminant leurs rivaux, les Espagnols. Au cours du 17e siècle, les flibustiers font de l’île de la Tortue et de la côte nord leurs bastions principaux, associés aux boucaniers qui assurent leur ravitaillement. Ces gens de mer, mi-chasseurs, mi-pirates, sont organisés en une forme de confrérie appelée « Frères de la côte ».

La Tortue devient un avant-poste colonial avec la nomination de gouverneurs du Royaume de France. Peu à peu les colons français occupent toute la région à l’ouest de l’île. Le Cap-Français, future capitale, est construit en 1670 ; les cultures du tabac puis du sucre et du café s’implantent. Avec le traité de Ryswick en 1697, le roi Louis XIV se fait céder légalement la partie occidentale d’Hispaniola qui sera désormais désignée sous le nom de Saint-Domingue. Les gouverneurs font venir des « engagés » européens pour travailler dans les plantations aux côtés des esclaves africains. Mais les planteurs ne tardent pas à renoncer à cette main-d’œuvre qui supporte mal le climat tropical.

4/ La colonie française esclavagiste de Saint-Domingue

Avec le 18e siècle, le choix de la monoculture sucrière fortement consommatrice de main-d’œuvre  entraîne l’accélération de la traite des Africains. La colonie est devenue une véritable « usine à sucre », hissée au premier rang mondial à partir des années 1770. La colonie exporte également du café, du coton, de l’indigo, et du tafia (rhum), alimentant les marchés français et européens. En 1790, son commerce extérieur dépasse celui des États-Unis. Les négociants et les armateurs des ports français (Nantes, Bordeaux, Le Havre et La Rochelle) sont seuls autorisés à commercer avec les colonies en vertu du système de l’Exclusif. 

Le corollaire de cette réussite est que l’île française est devenue la plus importante concentration d’esclaves des Amériques. Dans les années 1780, plus de 500 000 esclaves noirs y travaillaient, dont 40 000 à 45 000 nouveaux captifs transportés d’Afrique chaque année, soit 50% de la totalité du trafic négrier annuel de l’époque.

Dans le même temps, mulâtres et Noirs libres occupent une place grandissante dans la société coloniale : 26 000 libres de couleur contre 35 000 Blancs en 1788. Beaucoup sont de petits cultivateurs ou des artisans, certains sont planteurs, propriétaires de vastes domaines et d’esclaves. Les Blancs s’inquiètent de cette ascension et multiplient les interdictions à leur encontre.

5/ La Révolution haïtienne

L’importance de la population servile fut une des causes du déclenchement en 1791 de l’insurrection de Saint-Domingue, de son ampleur et de la victoire des insurgés. Dans le contexte de la Révolution française, le 22 août 1791, 2000 esclaves se soulèvent dans le nord de l’île au nom de la liberté. La révolte s’étend dans les campagnes du sud et de l’ouest. Les libres de couleur s’insurgent également et réclament l’égalité juridique.

En août-septembre 1793, l’affranchissement des esclaves est proclamé à Saint-Domingue, mais il faut attendre 1794 pour que la Convention montagnarde abolisse l’esclavage dans toutes les colonies. 

Placé à la tête de l’armée républicaine française levé sur place, l’ancien esclave Toussaint Louverture (1743-1803)  chasse les Espagnols et les Anglais et établit son autorité sur l’île. En 1801, il élabore une Constitution qui prévoit l’autonomie de Saint-Domingue. Son pouvoir est néanmoins contesté par Bonaparte qui le fait capturer et emprisonner en France, au fort de Joux. 

En 1802, Bonaparte remet en cause la « liberté générale » acquise en 1793-1794 et impose par la guerre le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe, mais il échoue à Saint-Domingue. Le corps expéditionnaire de près de 50 000 hommes est anéanti autant par la fièvre jaune que par les combats menés par les généraux noirs et mulâtres, Jean-Jacques Dessalines (1758-1806), Henry Christophe (1767-1820), Anne Alexandre Sabès, dit Pétion (1770-1818). Vaincus à la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803, les Français évacuèrent l’île qui, le 1er janvier 1804, se proclamait République d’Haïti. Cette « indépendance noire », deuxième rupture coloniale vingt ans après la naissance des Etats-Unis, est restée une exception absolue.

1er janvier 1804, la création de la République d’Haïti

Le 1er janvier 1804, sous la direction de Jean-Jacques Dessalines, des généraux se réunissent pour fonder une nouvelle nation. Parmi les signataires, d’anciens esclaves nés en Afrique, d’autres dans la colonie, d’anciens propriétaires d’esclaves, et des « libres de couleur ». Les signataires lui donnent le nom de Ayiti en hommage aux premiers habitants, les Taïnos. Sa création repose sur une vérité incontestable : nul ne doit être l’esclave d’un autre individu.

La création de la République d’Haïti est un défi lancé à un monde où l’esclavage constitue le cœur d’un capitalisme marchand qui dévaste l’Afrique et enrichit l’Europe qui a organisé l’expansion coloniale dans les Amériques et les Caraïbes.

Le 15 février 1805, les généraux de l’armée haïtienne décernent à Dessalines le titre d’empereur. Une constitution impériale est promulguée le 20 mai 1805. Plusieurs de ses articles reflètent l’esprit de la Révolution : « L’esclavage est à jamais aboli » (article 2) ; et l’article 14 proclame le refus de « toute acception de couleur parmi les enfants d’une seule et même famille », ajoutant que « les Haïtiens ne seront désormais connus que sous la dénomination générique de Noirs »

6/ Haïti au 19e siècle

A la suite de sa création en 1804, la République d’Haïti va connaitre de nombreux soubresauts et conflits. Sur le plan social, deux territoires se créent rapidement, l’un autour de Port-au-Prince, où vit et travaille la nouvelle classe dirigeante, majoritairement mulâtre, et l’autre au nord, autour de Cap-Haitien. La population du Nord est massivement composée de bossales, c’est-à-dire d’anciens esclaves nés en Afrique. Nombre de ces anciens esclaves refusent de travailler même contre salaire dans les plantations et partent alors s’installer dans les montagnes. Haïti devient ainsi une société paysanne. Cette division continue d’être au cœur des problématiques de la nation haïtienne.

Sur le plan politique, le pays connaît d’intenses conflits. Il se scinde en deux après l’assassinat de Dessalines : le Nord dirigé par Henri Christophe sous le titre d’Henri ler, le Centre et le Sud sous l’autorité d’Alexandre Pétion. En octobre 1820, les deux parties sont réunies sous l’autorité de Jean-Pierre Boyer. 

Le 17 avril 1825, la France de Charles X reconnaît enfin la jeune république par une ordonnance, contre le paiement d’une indemnité de 150 millions de francs-or destinés à indemniser les anciens colons. Les autres nations mettront longtemps avant de reconnaître l’indépendance de la nouvelle République où l’esclavage a été aboli alors qu’il continue d’être pratiqué dans le reste des Amériques jusqu’à des dates parfois  tardives..

6/ Le 20e siècle en Haïti

En prenant prétexte de l’assassinat de sept présidents haïtiens, le président des Etats-Unis envoie en Haïti des marines en 1915 qui s’emparent du pouvoir jusqu’en 1934.

Dans les années 1920 et 1930, plusieurs événements marquent la renaissance d’une pensée haïtienne comme la création de la Société d’histoire et de géographie d’Haïti ou celle de revues littéraires pour encourager la littérature vernaculaire. En fondant l’Institut d’ethnologie à Port-au-Prince en 1941, Jean Price-Mars (1876-1919) contribue, dans un monde encore dominé par les empires coloniaux, à la décolonisation du savoir anthropologique. 

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, des juntes militaires s’emparent du pouvoir. En septembre 1957, François Duvalier – dit « Papa Doc » – est élu président de la République. Il interdit les partis d’opposition, instaure l’état de siège et dissout le Parlement en 1961. Le régime dictatorial s’appuie sur une milice paramilitaire dont les membres sont surnommés « tontons macoutes ». De nombreux Haïtiens sont emprisonnés, torturés, assassinés. Beaucoup prennent le chemin de l’exil. En 1971, Papa Doc fait de son fils Jean-Claude Duvalier son héritier. Un soulèvement populaire le chasse du pouvoir en 1986.

En 1987, une nouvelle Constitution est proclamée. S’ensuit une nouvelle période troublée avec un coup d’état en 1991, de nouvelles élections et de nouvelles tensions.

Dans le même temps, la population s’appauvrit. La désagrégation du système agricole et la crise sociopolitique affectent considérablement la situation socio-économique de la population haïtienne. Les indicateurs relatifs à l’espérance de vie, à l’alimentation, au revenu, à la santé et la disponibilité des services sociaux de base, à l’éducation, se révèlent très préoccupants. Le terrible séisme du 12 janvier 2010, le goudougoudou, a de nouveau braqué les regards sur cette terre et ses habitants. Depuis, le processus de reconstruction est l’objet d’une grande attention de la part des Haïtiens qui vivent au pays comme de ceux qui vivent en diaspora.

Un patrimoine architectural et culturel exceptionnel

La nature et l’implantation humaine ont façonné les paysages haïtiens, riches également d’un formidable patrimoine, témoins des grandes phases de l’histoire.

De nombreux sites d’habitats précolombiens parsèment le territoire, associés à des sites et cavernes ornés de pétroglyphes. La colonisation française des 17e et 18e siècles a vu la construction de superbes fortifications sur le littoral, d’imposantes habitations sucrières et caféières dont de nombreuses ruines témoignent, quand l’architecture remarquable du Cap haïtien et de Jacmel rappelle la richesse de l’ancienne colonie.

Et que dire de la formidable Citadelle Laferrière et du Palais Sans Souci construits par le roi Christophe au début du 19e siècle et classés au patrimoine mondial de l’Humanité ! Deux des monuments parmi les plus spectaculaires des Amériques. 

La création artistique

Dans ce pays magnifique au terme d’une trajectoire historique incomparable, est née une culture haïtienne totalement originale et dynamique, mélange de trois continents, l’Amérique, l’Europe et l’Afrique.

Le foisonnement et l’inventivité de traditions, de mythes, de religions, de coutumes, de musiques, de langues et d’écrits témoignent de cette vitalité et de cette force créatrice extraordinaires sorties d’une histoire tragique commencée par l’extermination des premiers habitants amérindiens puis bâtie sur la traite et la mise en esclavage dans des conditions terrifiantes de milliers d’Africains déracinés de leurs terres d’origine.

La conquête unique de leur liberté et la puissance fondatrice de la nation haïtienne ont gravé à jamais un destin qui transcende ce « peuple grand et magnifique », comme le qualifiait l’écrivain haïtien Jean Metellus.

Dans ce creuset, Haïti s’est forgé une identité esthétique forte, propre à cette terre de métissage et d’innovation.

Les expressions artistiques les plus audacieuses animent hier comme aujourd’hui la culture haïtienne, se réappropriant les mythes et figures de l’inconscient collectif. 

Fruits d’influences multiples, elles mêlent tour à tour poésie, magie, religion et engagement politique, délivrant un message à portée universelle.

Historique

La première académie de peinture est créée en 1804 au Cap-Haïtien par le roi Christophe. Mais l’explosion de la peinture haïtienne vernaculaire date des années 1940 et ce, pour deux raisons : la réhabilitation de la part africaine avec l’œuvre de Jean Price-Mars et l’ouverture du Centre d’Art en 1944 à Port-au-Prince.

Hector Hyppolite, Castera Bazile, André Pierre, Préfète Duffaut ou Rose Marie Desruisseaux puisent leur inspiration dans l’expérience vaudoue.

Le courant de la « peinture Saint Soleil », qui prend naissance sous l’inspiration de Tiga (Jean Claude Garoute) et Maud Robart, met en présence un monde de signes qui représentent les valeurs spirituelles du vodou et les marques de la culture taïno. Les tableaux de Dieuseul Paul, Levoy Exil, Louisiane Saint-Fleurant, se fondent pour leur part sur la puissance des dieux, comme l’avait pensé André Malraux qui les fit connaître en dehors d’Haïti. Depuis, la peinture haïtienne est entrée dans les musées et fait l’objet d’expositions au niveau international.