Suzanne Louverture

Suzanne Louverture

I. Une représentante du peuple de Saint Domingue

Suzanne Simone Baptiste Louverture, née esclave sur le domaine Bréda au Haut-du-Cap en 1752. Elle devient libre par la loi de 1794 et épouse Toussaint Bréda, qui deviendra Louverture en 1782. Quand elle se marie, Suzanne Louverture a déjà un enfant, Placide Clère Louverture qui sera adopté par son mari, avec qui elle aura deux garçons, Isaac et Saint-Jean Louverture. Au début de la révolution, Suzanne s’occupe de la plantation de café de son mari et se charge du commerce. Elle ne prend pas part aux activités de Toussaint Louverture.

Suzanne Louverture, Illustration Chevelin Pierre 2025.

“Coisnon, précepteur, ramenant à Toussaint Louverture ses enfants Placide et Isaac. Lithographie de Villain 1822. Le général est supplié par ses enfants et sa femme d’abandonner la cause des noirs.”Archives de la Martinique, 15Fi260

Nous n’avons pas de document d’archives qui prouverait l’intervention directe de Suzanne Louverture dans les actions révolutionnaires. Au contraire, une gravure l’illustre s’opposant au départ de son mari. Cette impression conservée aux Archives de Martinique, présente Suzanne Louverture comme un obstacle aux convictions de son mari. Cependant ces informations sont à nuancer, il s’agit ici d’une gravure présentant Toussaint Louverture en héros, prêt à abandonner femme et enfants pour la cause des noirs. La représentation de sa femme, presque à genoux, le suppliant d’abandonner permet de montrer sa force, son courage qui devient alors viril.

Le manque de documentation, ne nous permet pas d’affirmer que Suzanne Louverture était opposée aux actions de son mari.

“Coisnon, précepteur, ramenant à Toussaint Louverture ses enfants Placide et Isaac. Lithographie de Villain 1822. Le général est supplié par ses enfants et sa femme d’abandonner la cause des noirs.”Archives de la Martinique, 15Fi260

II. Une figure de Pouvoir

Quelques jours après l’arrestation de Toussaint en juin 1802, par le général Leclerc, Suzanne Louverture et ses enfants sont enfermés sur le navire “Le Héros” et déportés en France vers le port de Brest. Plusieurs lettres conservées aux Archives Nationales d’Outre-Mer, décrivent des conditions de voyages inhumaines. Dès lors Suzanne Louverture devient prisonnière du gouvernement Napoléonien et sera surveillée jusqu’à la chute du régime en 1815. Elle est déplacée à Bayonne puis à Agen avec ses enfants. Elle ne reverra plus son mari, qui meurt dans sa prison du Fort de Joux en 1803.

Suzanne Louverture est une figure forte de l’histoire montrant l’opposition au colonialisme français mais également aux stéréotypes adossés aux femmes noires au début du XIXe siècle. Elle utilise ses connaissances de la politique en place pour défendre sa famille, ses origines d’esclaves et son mariage lui donnent du pouvoir et de l’influence sur le peuple haïtien. Ce qu’elle représente effraie les hommes politiques français et constitue une menace pour les idéaux de Napoléon. Malgré sa volonté de retourner sur ses terres et l’argument qu’elle ne sait rien aux affaires de son mari ou des autres révolutionnaires, ce n’est pas suffisant pour convaincre les militaires. Ainsi, même si Haïti obtient son indépendance en 1804, Suzanne Louverture reste prisonnière de la France jusqu’en 1815.

Suzanne Louverture décède en 1816 à Agen, un an après le changement de régime qui aurait pu lui permettre de retourner chez elle. Elle est enterrée dans l’ancien cimetière de la ville, recouvert aujourd’hui par une gare. Plusieurs projets de plaque commémorative sont en cours, soutenus par la ville et plusieurs chercheurs.

Lettre de Suzanne Toussaint Louverture au Ministre de la Marine et des Colonies, 22 Juillet 1802 (22 Messidor an 10). EE 1734, Archives Nationales d’Outre Mer, Aix-en-Provence, France.

III. Le traitement infligé en France

Un nombre important de lettres atteste des violences psychologiques subies par Suzanne Louverture. Le contrôle de ses dépenses par le gouvernement et la restriction de ses biens montrent sa dépendance totale au bien vouloir du gouvernement. Plusieurs demandes d’habits chauds sont faites pour pouvoir passer l’hiver, ainsi qu’une augmentation des revenus accordés par l’État.

Des articles de journaux publiés en Angleterre font également référence à des violences physiques infligées par des soldats napoléoniens pour obtenir des renseignements sur son mari. Ces articles se basent sur la lettre d’une certaine madame Bernard qui aurait été en contact avec la victime. Ils décrivent tous de façon très similaire l’utilisation de pinces chauffées à blanc pour pincer le flanc et la poitrine afin d’obtenir des informations sur son mari ou l’emplacement hypothétique d’un trésor appartenant à la famille. Les articles mentionnent un séjour à Paris, où elle aurait subi des interrogatoires sous la torture. Les articles décrivent une violence extrême.

Elle aurait ensuite été internée dans l’hôpital psychiatrique pour femmes la Salpêtrière. Cependant, son nom n’est pas mentionné dans les registres d’entrée et de sortie entre 1802 et 1804. Cet article est le sujet d’une caricature de Napoléon publiée par les Anglais pour montrer ses actions inhumaines : “Boney’s inquisition another specimen of his humanity on the person of Madame Toussaint”.

Boney’s inquisition another specimen of his humanity on the person of Madame Toussaint. William Charles, 25 Octobre 1804, Londres, by S.W. Fores, 50 Piccadilly. Lewis Walpole Library, 804.10.25.01+

Madame Toussaint, in Aberdeen Press and Journal – Wednesday 24 October 1804 www.britishnewspaperarchive.co.uk

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